Bonjour,

Avec les nombreux témoignages que vous avez recueillis, nous constatons que notre cas n’est pas isolé, comme nous le soupçonnions depuis le décès de notre fille Eléonore, décédée en juin 2007 à la suite d'une embolie pulmonaire. Depuis ce jour nous n’avons eu cesse d’essayer de comprendre l'enchaînement des faits, et aussi de contribuer à ce que le drame que nous avons vécu ne soit pas totalement vain.
La démarche que vous avez adoptée suite au décès de votre propre fille nous intéresse et nous souhaiterions d’une part adhérer à votre association, et d’autre part devenir partie prenante dans les actions que vous menez.

LES FAITS:
Notre fille, Eléonore, 21 ans à l’époque des faits, était en bonne santé. Elle avait pris la décision de prendre une contraception orale. Elle a consulté une gynécologue en lui signalant que son père était porteur de l’anomalie du facteur V de Leyden. La gynécologue lui a tout de même prescrit la pilule Varnoline (3ème génération), en lui précisant de ne la commencer qu’après le dépistage du facteur V de Leyden. Eléonore n’étant pas porteuse de la même anomalie a commencé à prendre la pilule début janvier 2007.

Le 15 Mars 2007, Eléonore tombe sur les genoux. La marche est très difficile et elle présente un œdème important au genou. Elle consulte alors un rhumatologue qui lui prescrit le port d’une attelle légère sur la jambe pendant 3 semaines, il ne lui prescrit pas d’anticoagulant.

Le 3 mai Eléonore, étudiante à la faculté de Nanterre, fait un premier malaise (essoufflement et somnolence), lui rendant très difficile la montée d’escaliers, elle s’endort 2 fois en cours. Elle se rend à l’infirmerie ou le pouls et la tension sont pris, mais non reportés. L’infirmière évoque un stress et lui conseille de rentrer chez elle.

Le 7 mai, suite à ce malaise, Eléonore consulte notre médecin généraliste. Elle rencontre alors son médecin remplaçant, pour des douleurs dans les côtes, une grande fatigue et un essoufflement inhabituel. Le médecin prescrit une radio pulmonaire. Le 11 mai Eléonore re-consulte avec sa radio, un diagnostic de bronchopathie est posé. Le médecin lui prescrit du Solupred (cortisone) et un antitussif.

Du 14 au 21 mai, Eléonore vit normalement, passant différents concours.

Les choses se dégradent à partir du 22 mai, Eléonore a le teint pâle les yeux creusés et est très fatiguée. Elle se plaint des côtes, elle se couche dans l'après-midi et dort jusqu’au 23 au matin.

Le 24 Mai 2007, son état ne s'améliorant pas, elle retourne chez son docteur référent qui a repris ses consultations. Celui-ci la renvoie chez elle en lui prescrivant un antibiotique (Zeclar) et lui demande de refaire faire en urgence une radio des poumons pour le lendemain, ainsi que de prendre RDV en urgence avec le cardiologue, car, nous a-t-elle expliqué en rentrant à la maison qu’il pensait à une infection autour du coeur, sans plus de détails.

Le 25 mai, après avoir fait la radio demandée, Eléonore se rend vers 9:00 au cabinet du médecin accompagnée de sa mère. Dans les premières minutes suivant son entrée dans le cabinet du médecin, elle fait une première syncope. Le médecin fait entrer sa mère qui découvre sa fille allongée sur la table d'auscultation, poussant des râles, faisant des bonds, à tel point, qu'on doit la maintenir pour qu'elle ne tombe pas; elle vomit abondamment.
Le médecin évoque un état de stress et pendant 10 minutes cherche à prendre les constantes, en vain. L'état d’Eléonore empire de minute en minute.
La mère demande par 3 fois que le médecin appelle le samu ce qu'il refuse de faire, c'est au bout de 45 minutes de souffrance de notre fille et des menaces de sa mère que le docteur finit par appeler le samu en évoquant un "malaise vagal".
Le médecin refusera également que la mère prévienne le père en prétextant qu'il ne fallait pas le déranger pour ça. Elle ira dans la salle d'attente trouver un téléphone pour prévenir le père!

Notre fille fera ensuite, en présence du Samu, arrivé dans les 10 minutes, une série de malaises cardiaques, la rendant intransportable. Elle sera finalement admise en réanimation, à l'Institut Mutualiste Monsouris, dans un coma profond. Il sera alors diagnostiqué immédiatement une embolie pulmonaire massive. A la suite de malaises cardiaques répétés et de convulsions, elle subira une embolectomie et décédera le 30 mai 2007.

La cause reportée du décès est un arrêt cardiaque.

NOS ACTIONS
Nous avons voulu savoir ce qu’il s’était passé. Estimant que, peut-être, des erreurs médicales avaient été commises. Nous avons alors consulté plusieurs avocats. A l'énoncer de notre récit, les 4 avocats que nous avons vu séparément, nous ont convaincu qu’il y avait bien eu des fautes médicales. Nous avons alors décidé d’entamer une procédure judiciaire, ce qui nous a d’abord conduit à faire faire des expertises médicales. Nous avons fait faire 2 expertises médicales à nos frais, les conclusions étaient claires, il y avait bien eu une série d’erreurs commises par les médecins.

La gynécologue.
Elle a prescrit une pilule de 3ème génération en première intention, bien qu’il y ait, dans la famille proche, des facteurs de risques thromboemboliques.
L'investigation de la gynécologue sur les antécédents familiaux a été succincte.
Sachant que le père était porteur d'une anomalie génétique de la coagulation, elle n'a jamais demandé à notre fille d'interroger la famille paternelle. Auquel cas, Eléonore aurait su que la grand-mère paternelle avait eu une phlébite à l'âge de 50 ans et que l'arrière-grand-mère paternelle avait fait une embolie pulmonaire durant un accouchement et  aurait transmis ces informations à la  gynécologue.
Les risques encourus par notre fille du fait des antécédents familiaux associés à la prise d'une pilule de 3ème génération, risques connus des médecins en 2007 (et complètement ignorés des patients, dont nous-mêmes, les parents), ont été largement sous-estimés par la gynécologue. Elle n'a fait que le minimum : une recherche du facteur 5, sans aller plus loin sur les antécédents familiaux qui ont alourdis les risques encourus par notre fille.
A notre avis, les symptômes liés aux risques de la prise de pilule de 3ème génération (phlébite, EP, AVC), n'ont pas été ou pas suffisamment évoqués par la gynécologue.

Le Rhumatologue
En avril 2007, suite à son problème au genou, le rhumatologue lui prescrit le port d'une attelle légère durant 3 semaines. Il connaissait bien Eléonore, mais ne lui a pas demandé si elle était sous pilule. Nous avons appris depuis, que la prescription d’un anticoagulant avec une attelle immobilisante était impérative, mais que cette prescription faisait, et fait toujours débat sur une attelle légère, les risques liés aux anticoagulants étant importants. Cependant, le facteur de risque était augmenté par la prise de pilule de 3ème génération et, à notre avis, il aurait dû prescrire des anticoagulants.

La remplaçante du médecin traitant généraliste, consultée les 7 et 11 mai.
Eléonore, âgée de 21 ans, vient consulter pour un essoufflement, de la toux, des douleurs costales et un état de fatigue excessif. Le médecin n’a pas dû faire un interrogatoire très poussé, elle n’a pas dû lui demander si elle prenait la pilule, et depuis quand. Les problèmes thrombo embolique suite à la prise de la pilule de 3ème génération survenant dans la première année étaient déjà de notoriété médicale en 2007.
Elle diagnostique une bronchopathie et lui prescrit de la cortisone; à notre avis, cette prescription a totalement masqué l’évolution de l’embolie qui était en cours, en lui donnant un “coup de fouet”, bien connu lors de la prise de corticoïdes.

Le médecin traitant consulté le 24 et 25 mai
Eléonore vient le voir avec les mêmes symptômes que ceux déjà évoqués avec la remplaçante. Il confirme la bronchopathie, mais soupçonne quelque chose de plus grave, puisqu’il lui demande de voir un cardiologue “en urgence”, il n’a jamais demandé à Eléonore si elle prenait la pilule. A notre avis, ses soupçons auraient dû lui faire diriger Eléonore vers les urgences les plus proches.
Le lendemain, son attitude a totalement changé, il est parti sur un syndrome vagal, et niant totalement le tableau clinique, il ne fait appel au SAMU que plus de 45 minutes après la première syncope.

Notre fille aura donc consulté 4 fois en 3 semaines son médecin et sa remplaçante; nous avons à moins de 10 minutes de chez nous, tant enviée pour ses infrastructures médicales, 3 services d'urgence, dont 2 spécialisés dans l'embolie pulmonaire, des laboratoires médicaux en surnombre, elle avait 21 ans et était en bonne santé. Aucun médecin (rhumatologue, médecin traitant, remplaçante du médecin traitant) n'a demandé à notre fille si elle prenait un contraceptif oral; il n'est mentionné dans aucun dossier ou notes prises par les médecins (que nous nous sommes procurés), qu'elle prenait la pilule.

Cela veut dire que ces médecins ont traité notre fille en ignorant totalement le fait qu’elle était sous pilule depuis moins de 5 mois!

NOTRE DÉMARCHE
Nous avons, pour essayer de comprendre l'incompréhensible, entamé une procédure judiciaire avec beaucoup de prudence, conscients que la médecine n'est pas une science exacte et que l'embolie pulmonaire est très difficile à diagnostiquer (des amis médecins, nous ont beaucoup aidés à nous y retrouver dans la jungle des termes médicaux, et dans la façon de réagir des médecins).

Nous avons pris la décision, pour que justice soit rendue, d’attaquer les médecins. Les 4 avocats, spécialisés dans les affaires médicales, nous ont déconseillé de tenter une action au pénal, notre dossier serait, à leur avis, immédiatement rejeté. Nous nous sommes donc résolus, bien que cela ne réponde pas à notre attente, à entamer une procédure au civil. Nous n'avons  porté plainte que 2 ans après le décès de notre fille sur la foi de 2 expertises médicales faite à notre initiative.

Une expertise judiciaire a été mandatée par le juge des référés. Cette expertise judiciaire a été un nouveau traumatisme pour nous, tant la désinvolture avec laquelle les experts ont repoussé de 6 mois la date de la réunion, la partialité des débats, les experts n’ayant cessent de protéger les médecins, écartant les questions délicates posées par notre expert, que le rapport d’expertise, qui dédouane les médecins et dont le contenu est d’une totale confusion. L’attitude des experts a été d'une partialité grossière, à la limite douteuse et révélatrice de la façon dont sont traitées les victimes d'accidents médicaux dans notre pays (mais c’est un autre combat). La conclusion de l’expertise, telle qu’écrite dans le document remis au tribunal, est que notre fille serait décédée suite à une maladie inconnue du système et à la fatalité!

Bien que l’expertise nous soit très défavorable, nous avons maintenu notre position, et sur le conseil de notre avocat, nous avons assigné le médecin traitant et sa remplaçante au tribunal. Les plaidoiries auront lieu le 11 mars 2013.

ENTRE TEMPS
Entre temps, le scandale du "médiator" a explosé. Nous ne pouvons pas nous empêcher de faire le parallèle avec les pilules contraceptives de 3ème et 4ème génération. Utilisation détournée, hors cadre contraception, de ces pilules pour lutter contre l'acné, la pilosité et les douleurs menstruelles, amenant à en prescrire à des adolescentes à peine pubères. Et ce malgré les mises en garde sans aucun effet de la HAS.

Pour information:
Les gynécologues que nous avons interrogés, répètent ce que les laboratoires pharmaceutiques leur disent à longueur de congrès et de notes de travail, sur le fameux "BÉNÉFICE RISQUE" de la pilule qui justifierait sa prescription. Pour les pouvoirs publiques et les laboratoires (la pilule est moins à risque que l'accouchement alors que, par exemple, la pilule "Diane" avec 6.68 de risque se rapproche dangereusement des risques liés à l'accouchement).
De quel bénéfices parle-t-on?  Sur quelles statistiques se base-t-on?

Par ailleurs, ces médecins "de ville" qui prescrivent les pilules de 3ème et 4ème génération aux jeunes femmes, même lorsqu’elles fument, n'hésitent pas à dire que, s’ils expliquaient les risques à ces jeunes femmes, elles arrêteraient plutôt la pilule que la cigarette et tomberaient enceinte, ce qui augmenterait leur risque.

Il est aussi à noter que ce sont les laboratoires qui commercialisent les pilules contraceptives qui organisent les congrès de gynécologie sur la contraception. Il est plus que choquant que les gynécologues ne soient informés sur les pilules que par les laboratoires pharmaceutiques.

Nous avons constaté, en essayant de  nous informer au mieux sur le sujet (très opaque) que tous ces chiffres, affirmations et conclusions sur ces pilules finissaient par être confuses pour tout le monde (pas d'étude en France, depuis 10 ans sur le sujet). Que les décès par EP ou AVC de jeunes filles sous pilule de 3ème ou 4ème génération n'entraient pas dans les statistiques du sacrosaint "bénéfice risque". Nous ne savons pas si notre fille a été "comptabilisée" dans les décès par EP, la cause officielle de la mort étant un arrêt cardiaque. A notre avis, le lien avec le fait qu'elle prenait une pilule de 3ème génération depuis moins de 5 mois avec un ascendant direct (le père) ayant une anomalie génétique de la coagulation, n’a pas été remonté.

C'est à la suite de l'article dans le magasine "ELLE" en 2011 que nous avons enfin, constaté que d'autres personnes avaient vécu la même tragédie et avaient les mêmes doutes que nous, sur les pilules de 3ème  et de 4ème génération.

Plus récemment (décembre 2012), la procédure entamée par Marion Larat avec maître Courbis, et son retentissement médiatique, nous ont interpellés.

Notre démarche judiciaire contre les médecins ne nous semble pas suffisante. Les deux médecins généralistes incriminés, ne peuvent porter à eux seuls, une responsabilité  qui les dépasse, même si leur pratique médicale est à notre avis très fautive.

Nous associer à la mise en cause des laboratoires et de l’état français, à travers la mise en cause de l’HAS ou l’ANSM, nous semble très important pour que le décès de notre fille puisse servir à sensibiliser les jeunes femmes sur ce sujet.

POUR CONCLURE
Les laboratoires pharmaceutiques et les pouvoirs publics, en France, semblent maintenir une véritable DÉSINFORMATION auprès du public féminin.

Les médecins n'informent quasiment pas leurs patientes en termes clairs sur la contraception orale. Ils ne s'assurent pas de la compréhension des risques auprès des jeunes patientes (de peur d'un refus de cette contraception, et cela personne ne le reconnaîtra). Par ailleurs, les notices des médicaments décrivant, en termes médicaux quasiment incompréhensibles surtout pour des jeunes d’une vingtaine d’année, les effets secondaires, dont la liste est aussi d’une longueur délirante, ne sont la que pour protéger les laboratoires. Ces notices ne sont en aucun cas des éléments de communication avec les patients.